La méthode élaborée par un Genevois, Emile JAQUES-DALCROZE (1865- 1950) et à laquelle Gerda ALEXANDER a été formée doit une partie de sa richesse à l’apport du psychologue Edouard CLAPAREDE (1875- 1940). C’est une formation musicale destinée à « faire ressentir le rythme comme une expérience physique en créant un courant de communication rapide et régulier entre le cerveau et le corps ». (Nous retrouverons plus tard des échos de cette phrase dans l’œuvre de Gerda ALEXANDER). C’est dire la façon dont « Maître Jaques » considérait la musique : indissociable de l’être humain, indissociable du corps. Cette méthode, la « Rythmique Jaques-Dalcroze » a été enseignée en Allemagne (à Hellerau, faubourg excentré de Dresde) ainsi que par l’Institut Jaques-Dalcroze, à Genève, à partir de 1915.
Dans le même temps, un Autrichien, Rudolf STEINER (1861-1925), père de « l’Antroposophie » parle d’eurythmie dans le « Goetheanum » qu’il a créé en 1915 à Dornach, en Suisse. Il pense qu’à travers la couche épaisse du matérialisme, le spirituel peut être atteint par la méditation et la concentration. Même s’il n’y a pas filiation directe, ces attitudes d’esprit peuvent être mises en rapport avec des formes d’attention sollicitées en eutonie.
Environ quarante ans plus tard, le même préfixe « eu » va participer à la construction du terme « Eutonie », cette fois associé à la notion de « tonus ». Il avait indiqué ce que souhaitait STEINER : une certaine attitude d’esprit faisant que ce qui est perçu et intériorisé contribue pleinement à l’évolution unifiée et harmonieuse de l’individu. Ce préfixe vient maintenant rendre compte d’un état, privilégiant le tonus comme indicateur. La racine grecque « eu » nous intéresse : elle exprime l’idée et l’objectif de bon, d’équilibré, d’harmonieux qui sont au principe même de l’Eutonie.
L’aventure dalcrozienne continue par des Ecoles ouvertes dans le monde entier ; la pensée de STEINER inspire encore des groupes et des institutions en Europe et aux Etats-Unis. D’autres courants de même nature sont nés aux environs de cette époque, plus particulièrement en Allemagne et aux Etats- Unis, générant des pratiques diversifiées. Ils ont souvent un caractère international par la mobilité des personnes qui les représentent, mobilité par attraction pour répondre à des demandes ou par répulsion si le pays d’origine n’accepte pas les idées ou les pratiques proposées. Nous en avons déjà cité un exemple dans l’Allemagne des années 30.
Dans cette galerie de personnages, un Français, François DELSARTE (1811-1871), mérite une mention particulière : on s’accorde pour en faire un précurseur qui influença plus ou moins directement JAQUES-DALCROZE, LABAN, SHAWN… tous pionniers de la Modern Dance.
La Modern Dance et la Danse Libre, parties les plus visibles du phénomène, ont été innovantes et même révolutionnaires à leur époque. Elles ont franchi, comme nous le verrons, les années et les frontières.
Voir aussi : Les origines + Amérique - Allemagne - France