Dans ce pays, au début du 20ème siècle, il y a un souci de « culture physique ». Le corps s’exerce dans les sociétés gymniques et sportives ; il recherche le contact avec la nature. Après la fin de la guerre (1918), une dynamique artistique se développe : « l’Expressionnisme » et sa face sombre marque une partie de la peinture ; d’autres réalisations, plus lumineuses, montrent un corps plein d’énergie et de vitalité, peu vêtu voire nu, en pleine recherche d’expressivité, avec ou sans musique. Retenons de cet ensemble et concernant plus particulièrement notre propos, une institution, le Bauhaus et un homme, Rudolf von LABAN.
Fondé en 1919 à Weimar, transféré à Dessau en 1925 puis à Berlin en 1932 et fermé en 1933 par le régime nazi qui supportait mal la liberté de fonctionnement de cette Ecole d’art et d’architecture, le Bauhaus accueillit également des danseurs. Le peintre Oskar SCHLEMMER guida pendant une dizaine d’années une recherche d’exercices corporels incluant le mécanique, l’organique, les formes et les couleurs ainsi que l’exploration de l’espace, souvent avec des accessoires (par exemple des bâtons) plus tard couramment utilisés en Eutonie.
L’aventure de ce lieu de rencontre entre des catégories d’artistes concevant et utilisant diversement l’espace a été largement innovante et de large influence, bien que peu théorisée, au moins concernant le mouvement corporel.
On ne saurait faire un tel reproche à LABAN (1879-1958) qui, lui aussi, dépassa largement les limites de ce qu’il est convenu de ranger sous la bannière de « la danse ».
D’origine hongroise, il a vécu en Allemagne puis en Angleterre et séjourné à Paris pendant une partie de ses études. On le reconnaît comme le père spirituel de la danse moderne en Europe. La montée du nazisme a entraîné des changements importants dans ses rapports avec le gouvernement allemand. Ainsi, après lui avoir confié des responsabilités importantes, celui- ci les lui retira complètement en 1936. Deux ans plus tard, LABAN quittait Berlin pour Londres.
Gerda ALEXANDER, qui avait 28 ans en 1936, vécut, elle aussi, en ce début de son âge adulte, le contraste entre les mouvements de libération corporelle (mais qui n’intéressaient pas que le corps) et leur interdiction (ou leur récupération partielle) par la dictature qui s’installait.
LABAN fut un puissant créateur. Danseur et maître de ballet, on lui doit aussi une méthode de notation des mouvements du corps applicable à tous les styles de danse et qui fut même reprise par les analystes des gestes du travail. Cette trace largement transmissible est bien nécessaire tant on trouve de sens, d’aspects différents sous le vocable « danse ».
D’autre part, cette courte phrase de LABAN : « L’espace est un aspect caché du mouvement et le mouvement un aspect visible de l’espace » énonce une autre forme d’unité : celle de l’individu et de l’espace cosmique ; elle n’aurait rien d’exotique en eutonie.
Voir aussi : Les origines + Suisse - Amérique - France